Actu-tendance n° 774

DROIT DU TRAVAIL

Jurisprudence – Relations individuelles

L’employeur doit-il notifier par écrit au salarié, dont l’état de santé empêche tout maintien dans un emploi, les motifs s’opposant à son reclassement avant d’engager la procédure de licenciement ?

Cass. soc., 11 juin 2025 (n°24-15.297)

Rappel : L’article L.1226-2-1 du Code du travail prévoit que
« lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Dans cette affaire, une salariée avait été reconnue inapte à son poste par la médecine du travail qui avait indiqué que « tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

L’employeur a ainsi procédé à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La salariée a contesté son licenciement devant le Conseil de prud’hommes en considérant que l’employeur avait manqué à ses obligations en s’abstenant de l’informer préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement des motifs s’opposant à son reclassement.

Par un attendu de principe, la Cour de cassation rejette la demande de la salariée en considérant que l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l’état de santé de la salariée, et que, par conséquent, la cour d’appel en a exactement déduit que, d’une part, l’employeur n’était pas tenu de notifier par écrit à la salariée, préalablement à la mise en œuvre de la procédure de licenciement, les motifs s’opposant au reclassement, d’autre part qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l’entreprise.

Le licenciement pour faute grave d’un salarié est-il valable dans le cas où l’employeur n’aurait pas engagé la procédure dans un délai restreint ?

Cass. soc., 27 mai 2025 (n°24-16.119)

Dans cette affaire, une salariée est licenciée pour faute grave le 21 novembre 2019 pour des faits dont l’employeur a eu connaissance le 11 octobre 2019, soit près d’un mois et demi plus tard.

La salariée contestait son licenciement en considérant que la qualification de faute grave ne pouvait être retenue puisque l’employeur n’avait pas engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint, ce qui excluait la faute grave.

Les juges du fond ont débouté la salariée de sa demande en considérant que les griefs étaient établis et justifiaient une faute grave, sans étudier l’argument procédural de la salariée. 

Après avoir rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et que la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des griefs, la Cour de cassation casse la décision d’appel par un attendu de principe :

« Sans rechercher, comme elle y était invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en œuvre dans un délai restreint après la constatation par l’employeur des faits imputés à la salariée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

Par cet arrêt, la Cour de cassation précise que l’employeur doit rapidement engager la procédure disciplinaire dès qu’il a connaissance des faits fautifs, sous peine de voir la faute grave écartée et que le délai restreint est une notion qui dépend des circonstances de faits.

Auparavant, la Cour de cassation considérait déjà que la faute grave ne peut être retenue lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 2 mois moins un jour après la connaissance des faits fautifs (Cass. soc., 22 janvier 2020 n°18-18.530) ou plus de 3 semaines après la connaissance des faits (Cass. soc., 23 octobre 2012 n°11-23.861).

Note : l’engagement tardif de la procédure peut être validé par les juges lorsqu’il est établi qu’un délai a été nécessaire après révélation de la faute commise par le salarié notamment pour s’assurer de l’existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité (Cass. soc., 12 octobre 1983 n°81-40.703 ; Cass. soc., 10 mars 1993 n°91-44.504).

L’indemnité pour travail dissimulé est-elle due par la société sortante dans l’hypothèse d’un transfert conventionnel du contrat de travail ?

Cass. soc., 21 mai 2025 (n°23-16.540)

Rappel : En application de l’article L 8223-1 du Code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions caractérisant un travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Dans cette affaire, des salariés d’une entreprise ont été repris par l’entreprise nouvellement titulaire du marché auquel ils étaient affectés, en application des dispositions conventionnelles relatives à la reprise du personnel relevant de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. Quelques semaines plus tard, l’ancien employeur est placé en liquidation judiciaire. Dans ce cadre, des salariés ont saisi le conseil de prud’hommes pour demander que soient fixées au passif de la liquidation diverses sommes, notamment au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

La Cour de cassation considère que, si l’avenant du contrat de travail conclu avec l’entreprise entrante reprend l’ensemble des clauses contractuelles du contrat de travail du salarié repris à l’occasion de la perte du marché, la relation de travail avec l’entreprise sortante est rompue, de sorte qu’[…] elle est redevable de l’indemnité pour travail dissimulé.

Pour justifier sa position, la Cour de cassation rappelle l’application de l’article L 8223-1 du Code du travail et l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel relevant de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, dont elle précise qu’il ne prévoit pas que le nouvel employeur est tenu des obligations qui incombaient à l’ancien employeur au moment du transfert du personnel. Aux termes de l’article 3.1.1 de cet avenant, l’entreprise entrante établit un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionne le changement d’employeur et reprend l’ensemble des clauses contractuelles qui lui seront applicables.

A ce titre, si l’entreprise sortante s’est rendue coupable de travail dissimulé dans le cadre de cette relation de travail, elle est redevable de l’indemnité pour travail dissimulé.

La Cour de cassation valide ainsi la décision de la Cour d’appel qui a retenu qu’à l’occasion de la reprise de marché, il avait été mis fin à la relation de travail des salariés et à la société sortante, de sorte qu’après avoir relevé l’existence de faits constitutifs d’un travail dissimulé imputable à celle-ci, a fixé au passif de la liquidation judiciaire une indemnité pour travail dissimulé.

Note :  la solution retenue en l’espèce s’agissant du secteur des entreprises de prévention et de sécurité pourrait être étendue en pratique d’autres secteurs d’activité prévoyant des dispositions similaires voire dans le cadre d’un transfert légal d’entreprise.

Jurisprudence – Relations collectives

Lorsqu’un conflit de désignation de représentants de section syndicale oppose deux syndicats affiliés à une même union syndicale, cette dernière peut-elle procéder elle-même à la désignation du représentant ?

Cass. soc.,  4 juin 2025 (n°23-60.116)

Rappel : Chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l’entreprise ou de l’établissement d’au moins 50 salariés, peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, désigner un représentant de section syndicale (RSS) pour le représenter (C. trav. art. L 2142-1-1).

Dans cette affaire, au sein d’un établissement de la société Amazon, la Fédération SUD commerces et services-Solidaires, affiliée à l’Union syndicale Solidaires, a désigné un RSS.

Quelques jours plus tard, l’Union syndicale Solidaires, à la demande du syndicat local SUD Amazon, a procédé à la désignation d’un autre RSS au sein du même établissement.

La Fédération a saisi le tribunal judiciaire d’une action dirigée contre l’Union syndicale Solidaires et la société aux fins d’annulation de cette seconde désignation en soutenant :

  • que le syndicat local n’était pas affilié à l’Union syndicale Solidaires,
  • que cette dernière ne pouvait intervenir qu’à la demande conjointe des deux structures concernées par le conflit.

Les juges du fond ont rejeté ces arguments et la demande d’annulation.

La Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond en se référant aux statuts aux termes desquels : « l’Union syndicale Solidaires s’interdit d’intervenir, sauf demande expresse des organisations concernées, dans le champ de compétence propre des organisations adhérentes ».

La Cour de cassation estime ainsi que ces dispositions statutaires permettaient au seul syndicat SUD Amazon de saisir l’Union syndicale à laquelle il était affilié afin de trancher le conflit de désignation.

Législation et réglementation

Décret n°2025-493 du 3 juin 2025 relatif au registre numérique des saisies des rémunérations, à la procédure de saisie des rémunérations et à la formation des commissaires de justice répartiteurs

Rappel :

La loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a prévu la création d’un registre numérique permettant de référencer les procédures et d’identifier les personnes concernées.

Le décret d’application du 3 juin 2025 vient ainsi définir un cadre pour la mise en place, à compter du 1er juillet 2025, du registre numérique répertoriant l’ensemble des saisies des rémunérations.

Ce décret prévoit la tenue du registre numérique permettant d’assurer le suivi des saisies des rémunérations à la Chambre nationale des commissaires de justice, comprenant des données permettant d’identifier l’ensemble des personnes intéressées par chaque procédure ainsi que le commissaire de justice répartiteur et celui chargé de l’exécution du procès-verbal de saisie.

Le registre ne sera pas ouvert aux employeurs ou aux créanciers. Il ne pourra qu’être consulté par les commissaires de justice pour les besoins des procédures dont ils sont en charge, et par la chambre nationale.

Les données seront conservées dans la base active du traitement jusqu’à la radiation de la procédure de saisie des rémunérations du registre, et dans la limite d’une durée maximale de 10 ans.

Les droits d’accès, de rectification, et de limitation s’exercent directement auprès de la Chambre nationale des commissaires de justice. Le droit d’opposition n’est pas possible.

Enfin, le décret fixe par ailleurs à 12 heures la durée de la formation spécifique que doivent suivre les commissaires de justice répartiteurs en matière de saisie des rémunérations.

Proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang sur leur temps de travail adoptée par l’Assemblée nationale le 4 juin 2025.

Le 4 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi accordant des autorisations d’absence aux salariés pour participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma, sur leur temps de travail.

La proposition prévoit d’intégrer un nouvel article L. 1211-4-1 du Code de la santé publique permettant aux salariés de bénéficier de 8 autorisations d’absences par an pour ce motif.

Conformément au texte, les salariés devraient se rendre dans le site de collecte le plus proche de leur lieu de travail ou de leur domicile et, durant ces absences, l’employeur sera tenu de maintenir leur rémunération.

La Proposition prévoit toutefois un droit d’opposition de l’employeur pour des motifs tenant à l’organisation et à la continuité du service ou de l’activité économique.

Le texte sera prochainement en examen au Sénat.

Pour certains contrats en alternance, le bénéfice de l’aide exceptionnelle, dans sa version antérieure au décret n°2025-174 du22 février 2025 (6 000 €), est subordonné à la transmission du contrat par l’employeur.

Pour ce faire, la date limite est fixée au 30 juin 2025.

Sont concernés :

  • les contrats d’apprentissage conclus entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2024 ;
  • les contrats de professionnalisation conclus entre le 1er janvier 2023 et le 30 avril 2024.

Afin de lutter efficacement contre les fraudes, l’Assurance Maladie met à disposition un nouveau formulaire Cerfa d’avis d’arrêt de travail difficilement falsifiable et davantage sécurisé.

A compter du 1er juillet 2025, l’utilisation de ce formulaire Cerfa sera obligatoire pour tout envoi d’avis d’arrêt de travail papier.

Ainsi, les formulaires Cerfa d’arrêt de travail pouvant être remplis puis imprimés depuis un logiciel de prescription seront rejetés par les organismes d’assurance maladie à partir de cette date. Il en est de même pour le scan et la photocopie d’un arrêt de travail.

L’Assurance maladie rappelle que la télétransmission via Ameli pro d’un avis d’arrêt de travail dématérialisé reste le moyen le plus sécurisé pour éviter les usurpations et les fraudes.

Protection sociale complémentaire

Jurisprudence – Protection sociale

Cass. Civ. 1ère 30 avril 2025 n°83-10.983

Les primes versées par le souscripteur d’un contrat d’assurance sur la vie ne sont rapportables à la succession ou soumises à réduction que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur. Un tel caractère s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci.

Cass. Civ. 2ème 5 juin 2025 n° 22-23.817

Le donneur d’ordre pour contester la mise en jeu de la solidarité financière au titre du chef du travail dissimulé peut invoquer les irrégularités entachant le redressement opéré à l’encontre de son sous-traitant. En revanche, celles entachant la mise en demeure délivrée à son sous-traitant, ne peuvent être invoquées. En effet, cette mise en demeure ne constitue que la décision de recouvrement et donc n’est pas une exception commune que le donneur d’ordre peut opposer à l’URSSAF.

Législation et réglementation

L’ACPR a mis en demeure un courtier grossiste de corriger les manquements de son dispositif de distribution, concernant notamment la sélection des distributeurs composant son réseau et le suivi effectif de la qualité de la distribution par ses membres.

En savoir plus

L’ACPR réalise une nouvelle enquête dédiée aux courtiers en 2025 via un questionnaire, pour collecter des informations générales sur leur activité et s’assurer de la mise en œuvre effective des obligations LCB-FT. Les réponses doivent être saisies au plus tard le 10 juillet 2025.