Développement durable : l’impact de la CSRD sur les obligations en matière d’information et de consultation des représentants du personnel Développement durable : l’impact de la CSRD sur les obligations en matière d’information et de consultation des représentants du personnel

La directive UE 2022/2464 du 14 décembre 2022, dite directive « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive) renforce sensiblement les obligations des entreprises en matière d’information extra-financières liées à la durabilité, l’objectif étant notamment de « construire une économie au service des personnes et à renforcer l’économie sociale de marché de l’Union européenne, afin qu’elle soit parée pour l’avenir et garantisse la stabilité, l’emploi, la croissance et l’investissement durable »[1].
Désormais, les entreprises dépassant certains seuils doivent inclure, dans une section distincte de leur rapport de gestion, des informations en matière de durabilité, qui doivent permettre de comprendre les incidences de l’activité de la société sur les enjeux de durabilité, ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l’évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation.
L’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023, en transposant en droit national ces dispositions, a également institué une nouvelle obligation d’information et de consultation du comité social et économique (CSE) portant sur ces informations en matière de durabilité, et sur les moyens de les obtenir et de les vérifier.
Conformément à la directive CSRD, la mise en œuvre de ces obligations a été prévue de manière progressive, en fonction de la taille des entreprises et des exercices comptables concernés.
Elise Girodon et Mathias Joste font le point sur les contours de cette nouvelle obligation d’information et de consultation du CSE liée à la durabilité, issue de la transposition de la directive CSRD.
[1]  Directive (UE) 2022/2464

Les entreprises concernées par la nouvelle obligation d’information et de consultation du CSE en matière de durabilité

Sont concernées par la nouvelle obligation d’information et de consultation du CSE en matière de durabilité prévue à l’article L. 2312-17 du Code du travail, les entreprises qui sont soumises à l’obligation d’inclure des informations de durabilité dans leur rapport de gestion ou dispensées de son application par le Code de commerce, c’est-à-dire :

  • Les « grandes entreprises » qui sont tenues d’inclure des informations en matière de durabilité au sein d’une section distincte de leur rapport de gestion[1] ;
  • Les « grandes entreprises » qui en sont dispensées du fait qu’elles (ainsi que, le cas échéant, les sociétés qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe) sont incluses dans les informations en matière de durabilité d’une société consolidante qui exerce un contrôle sur ces sociétés de manière exclusive ou conjointe[2] ;
  • Les « petites et moyennes entreprises » cotées sur un marché réglementé[3];
  • Les sociétés consolidantes d’un « grand groupe » qui sont tenues d’inclure des informations de durabilité consolidées au sein de leur rapport sur la gestion du groupe[4] ;
  • Les sociétés consolidantes d’un « grand groupe » qui en sont dispensées du fait que ce groupe est inclus dans les informations consolidées en matière de durabilité d’une autre société consolidante qui exerce un contrôle (de manière exclusive ou conjointe) sur les entreprises de ce groupe.[5]

Les tailles des sociétés et groupes de société sont définies en fonction de seuils liés au total du bilan, au montant net du chiffre d’affaires et au nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice :

  • Les « petites entreprises » sont celles qui ne sont pas des micro-entreprises et qui, à la date de clôture de l’exercice, ne dépassent pas les seuils d’au moins deux des trois critères suivants :
    • Total du bilan fixé à 7 500 millions d’euros ;
    • Montant net du chiffre d’affaires fixé à 15 millions d’euros ;
    • Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice fixé à 50.
  • Les « moyennes entreprises » sont celles qui ne sont pas une micro-entreprise ou une petite entreprise et qui, à la date de clôture de l’exercice, ne dépassent pas les seuils d’au moins deux des trois critères suivants :
    • Total du bilan fixé à 25 millions d’euros ;
    • Montant net du chiffre d’affaires fixé à 50 millions d’euros ;
    • Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 250.
  • Les « grandes entreprises » sont celles qui, à la date de clôture de l’exercice, dépassent les seuils d’au moins deux des trois critères suivants :
    • Total du bilan fixé à 25 millions d’euros ;
    • Montant net du chiffre d’affaires fixé à 50 millions d’euros ;
    • Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice fixé à 250. [6]
  • Le « grand groupe » est l’ensemble formé par une société et les entreprises qu’elle contrôle, de manière exclusive ou conjointe, qui, à la date de clôture de l’exercice, dépasse les seuils d’au moins deux des trois critères suivants :
    • Total du bilan fixé à 30 millions d’euros ;
    • Montant net du chiffre d’affaires fixé à 60 millions d’euros ;
    • Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice fixé à 250.[7]

L’entrée en vigueur progressive de la nouvelle obligation d’information et de consultation du CSE en matière de durabilité

L’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023 a prévu une mise en œuvre progressive de l’obligation d’établir des informations en matière de durabilité, ainsi que de l’obligation corrélative de consultation du CSE, conformément à la directive CSRD. Ainsi, certaines catégories d’entreprises sont soumises à cette obligation depuis le 1er janvier 2025, tandis que d’autres devaient l’être progressivement à partir de 2026, de 2027, ou de 2029.

Cependant, une nouvelle directive européenne dite « Stop the clock »[8] entrée en vigueur le 17 avril 2025, a été adoptée afin de réduire les contraintes pesant sur les entreprises en matière de reporting de durabilité, et repousse de deux ans l’échéance de cette obligation pour certaines d’entre elles.

En cohérence avec cette directive, les parlementaires ont modifié l’échéance initialement fixée par l’article 33 de l’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023, en la reportant également de deux ans, dans le cadre de la loi n°2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite loi « DADDUE »[9].

Ce report ne s’applique toutefois pas :

  • Aux sociétés qui étaient déjà tenues d’établir et de faire certifier les informations en matière de durabilité pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 (reporting en 2025) ;
  • Aux filiales et succursales de sociétés d’Etats tiers à l’Union européenne.

Désormais, l’entrée en vigueur de l’obligation de reporting en matière de durabilité et de la nouvelle information consultation du CSE est donc prévue aux échéances suivantes :

  • A compter du 1er janvier 2025 pour les entités suivantes, qui sont des grandes entreprises et sociétés consolidantes ou combinantes d’un grand groupe et dont le nombre moyen de salariés excède 500 :
    • Les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;
    • Les établissements de crédit, au sens de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier
    • Les entreprises soumises au contrôle de l’Etat en application de l’article L.310-1 et du II de l’article L.310-1-1 du code des assurances, les mutuelles et unions relevant du livre II du code de la mutualité ainsi que les institutions de prévoyance et leurs unions, mentionnées aux articles L.931-1 et L.931-1-1 du code de la sécurité sociale
  • A compter du 1er janvier 2028, pour les sociétés qui sont des grandes entreprises ou les sociétés consolidantes ou combinantes d’un grand groupe ;
  • A compter du 1er janvier 2029 pour :
    • Les petites ou moyennes entreprises cotées ;
    • Les établissements de crédit de petite taille et non complexes, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 145), du règlement (UE) n°575/2013 du Parlement européen et du Conseil ;
    • Et les entreprises captives d’assurance et de réassurance mentionnées aux 1° et 3° de l’article L. 350-2 du code des assurances
    • Les filiales et succursales de sociétés de Etat tiers à l’Union européenne.

Les informations à délivrer au CSE dans le cadre de l’information et de la consultation du CSE en matière de durabilité 

Les enjeux de durabilité comprennent trois volets :

  • Les enjeux environnementaux ;
  • Les enjeux sociaux ;
  • Et les enjeux de gouvernance d’entreprise.

Les informations en matière de durabilité devant être remises au CSE sont celles qui permettent de comprendre les incidences de l’activité de la société sur les enjeux de durabilité, ainsi que la manière dont ces enjeux influent sur l’évolution de ses affaires, de ses résultats et de sa situation. La liste détaillée des informations à fournir comprend notamment[10] :

  • Le degré de résilience du modèle commercial et de la stratégie de la société en ce qui concerne les risques liés aux enjeux de durabilité ;
  • Les plans de la société, y compris les actions prises ou envisagées et les plans financiers et d’investissement connexes, pour assurer la compatibilité de son modèle commercial et de sa stratégie avec la transition vers une économie durable, la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C conformément à l’accord de Paris ;
  • Les incitations liées aux enjeux de durabilité octroyées par la société aux membres des organes de direction, d’administration ou de surveillance.

Le CSE doit également être consulté sur « les moyens d’obtenir et de vérifier » les informations relatives à la durabilité sans que le législateur n’ait précisé ce que recouvrait ce contrôle. Cette expression est issue de la directive 2022/2464 du 14 décembre 2022 et semble viser à assurer un droit effectif à l’information/consultation.

Pour toutes les sociétés commerciales, ces informations doivent être communiquées au CSE lors de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise.[11]

Les modalités d’information et consultation du CSE en matière de durabilité

Initialement, l’article L. 2312-17 du Code du travail indiquait que le CSE devait être consulté en matière de durabilité « au cours de ces consultations », en se référant aux trois consultations et informations récurrentes prévues par le Code du travail.

Toutefois, la question se posait alors de savoir si la nouvelle consultation du CSE sur les informations en matière de durabilité devait être mise en œuvre lors de chacune des trois consultations récurrentes, ou lors d’une seule d’entre elles (et le cas échéant, laquelle).

L’article 14 de la loi DADDUE[12] est venu clarifier ce point. Désormais, l’article L.2312-17 du Code du travail précise que le CSE doit être consulté au cours de « l’une au moins de ces consultations, au choix de l’employeur ».

Le CSE doit donc être consulté annuellement sur les informations en matière de durabilité prévues aux articles L.232-6-3 et L.233-28-4 du code de commerce et sur les moyens de les obtenir et de les vérifier, au choix de l’employeur :

  • Soit lors de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • Soit lors de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • Soit lors de la consultation récurrente sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Les avocats d’actance sont à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en œuvre de cette nouvelle information-consultation du CSE et pour répondre à vos questions quant à son applicabilité au sein de votre structure.

[1] Article L.232-6-3 I du Code de commerce

[2] Article L.232-6-3 V du Code de commerce

[3] Article L. 22-10-36, I du Code de commerce par renvoi aux dispositions de l’article L. 232-6-3 du Code de commerce

[4] Article L.233-28-4 I du Code de commerce

[5] Article L.233-28-4 V du Code de commerce

[6] Articles L.230-1 et D.230-1 du Code de commerce

[7] Articles L.230-2 et D.230-2 du Code de commerce

[8] Directive (UE) 2025/794 du Parlement européen et du Conseil du 14 avril 2025 modifiant les directives (UE) 2022/2464 et (UE) 2024/1760 en ce qui concerne les dates à partir desquelles les Etats membres doivent appliquer certaines obligations relatives à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité

[9] Article 7, I 1° de la loi n°2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

[10] Articles R. 232-8-4 du Code de commerce et R. 22-10-29 du Code de commerce

[11] Art. L. 2312-25 du Code du travail.

[12] Loi n°2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

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Mathias Joste

Diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au sein de laquelle il a également été chargé de travaux dirigés en relations individuelles et collectives de travail, Mathias Joste a intégré le Cabinet Actance en 2015 après une première expérience au sein du Cabinet Dupiré et Associés. Mathias accompagne des entreprises de tailles variées dans la gestion quotidienne de leurs problématiques individuelles et collectives liées à l’ensemble du droit social. Il intervient plus particulièrement à l’occasion d’opérations de réorganisations : notamment restructurations, transferts, procédures collectives.