Offre de reclassement : l’absence de précision des critères de départage en cas de candidatures multiples sur la liste des postes de reclassement constitue un manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement Offre de reclassement : l’absence de précision des critères de départage en cas de candidatures multiples sur la liste des postes de reclassement constitue un manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement

Dans un arrêt du 8 janvier 2025 (RG n°22.724), la Cour de cassation se prononce sur la sanction attachée à l’absence, sur la liste des postes de reclassement transmis à des salariés dont le licenciement économique était envisagé, de mention des critères de départage en cas de candidatures multiples sur un même poste.
Chloé Bouchez, associée et Pauline Dupont Counsel  au sein du Cabinet Actance avocats vous proposent de revenir sur cette décision.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que quelle que soit l’envergure d’un projet de réorganisation impliquant des licenciements pour motif économique, la phase de recherche de reclassement interne est un préalable obligatoire dont les modalités établies par le Code du travail doivent être suivies rigoureusement.

Ainsi, l’employeur doit, avant de notifier les licenciements pour motif économique, procéder à des recherches sérieuses et loyales de postes de reclassement à présenter aux salariés concernés.

Ces recherches doivent être réalisées sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont la société employeur fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Par ailleurs, les recherches de reclassement doivent répondre à un formalisme institué par le Code du travail, auquel il ne peut être dérogé.

En effet, l’employeur doit :

  • Soit adresser de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ;
  • Soit diffuser par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés.

Conformément à l’article D. 1233-2-1 du Code du travail  ces offres écrites précisent :

  • l’intitulé du poste et son descriptif ;
  • le nom de l’employeur ;
  • la nature du contrat de travail ;
  • la localisation du poste ;
  • le niveau de rémunération ;
  • la classification du poste.

Cet article ajoute que : « en cas de diffusion d’une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. 

La liste précise les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite.

Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste. »

Dans l’affaire présentée devant la Cour de cassation, l’employeur qui mettait en œuvre un PSE établi par voie d’accord collectif et validé par l’Administration, avait procédé à la diffusion d’une liste de postes de reclassement en précisant les différentes caractéristiques des postes telles que prévues par le Code du travail.

Toutefois, l’employeur n’avait pas précisé sur cette liste les critères de départage en cas de candidatures multiples.

Plusieurs salariés se sont saisis de cet oubli pour contester le bien-fondé de leur licenciement.

Dans le cadre des arguments présentés devant la Haute juridiction, l’employeur soulevait que l’absence d’une telle précision pouvait, sous réserve de démontrer un préjudice, donner lieu à l’octroi de  dommages et intérêts pour irrégularité de procédure mais qu’elle ne pouvait avoir pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’enjeu était, bien évidemment, de pouvoir limiter le montant de l’indemnisation octroyé aux salariés dès lors que le licenciement sans cause réelle et sérieuse est en principe sanctionné par l’application du barème « Macron ».

La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement présenté par l’employeur et considère que « l’employeur doit indiquer, dans la liste des postes disponibles mise à disposition des salariés concernés, les critères de départage arrêtés afin de pouvoir identifier le salarié retenu, sur des bases objectives, en cas de candidatures multiples sur un même poste. A défaut de cette mention, l’offre est imprécise en ce qu’elle ne donne pas les éléments d’information de nature à donner aux salariés les outils de réflexion déterminant leur décision, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ».

Ainsi, ne pas indiquer les critères de départage en cas de candidatures multiples sur les postes de reclassement est constitutif d’un manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement.

Une vigilance particulière doit donc être apportée dans l’établissement des listes de recherches de reclassement.

En effet, la Cour de cassation aurait pu juger que cette omission n’est qu’une irrégularité de procédure, à l’instar de la jurisprudence établie en cas de manquement à l’article L.1233-17 du Code du travail, en matière de critères d’ordre de licenciement. Rappelons qu’en application de cet article, le salarié peut solliciter auprès de son employeur, postérieurement à son licenciement pour motif économique, des précisions concernant les critères d’ordre de licenciement. Ce dernier a l’obligation d’y répondre. Or, la violation de cette obligation, selon la Cour de cassation ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais ne constitue qu’une irrégularité (Cass.soc., 9 juillet 2008, n°07-42.501 ; Cass.soc., 3 mai 2011 n°10-12.914).

 Ce n’est pas l’analyse retenue par la Cour de cassation en matière de critère de départage entre salariés sur un même poste qui s’inscrit dans une lignée de décisions de jurisprudence particulièrement strictes en matière de respect de l’obligation de reclassement.

Cette position peut s’expliquer par le fait que les ordonnances de 2017 ont institué une alternative à l’employeur concernant la transmission des offres de reclassement.

En effet, avant les ordonnances dites « Macron », l’employeur avait la possibilité uniquement d’adresser aux salariés « des offres écrites et précises ». A compter de 2017, il peut adresser de manière collective aux salariés les listes de postes disponibles.

Cette dernière option, choisie par l’employeur dans les faits d’espèce, a pour vertu de simplifier grandement le formalisme attaché aux recherches de reclassement dès lors que le travail de personnalisation des offres ne doit pas nécessairement être réalisé.

Aussi, compte tenu de l’allègement des formalités à accomplir en cas de diffusion d’une liste collective, la Cour de cassation se révèle intransigeante concernant le respect de l’article D.1233-2-1 du Code du travail et fait donc de la mention des critères de départage entre salariés sur un même poste une condition de fond pour que l’offre soit considérée comme suffisamment précise.

Se pose la question de savoir si une telle décision aurait été rendue dans le cadre d’offres personnalisées adressées aux collaborateurs. La lettre du texte indique que « la liste précise les critères de départage » ce qui pourrait laisser supposer que seule la liste collective est concernée par cette obligation.

Toutefois, au regard de la sanction désormais confirmée par cette jurisprudence, il apparait qu’une position prudente et précautionneuse doit être adoptée et que même en cas d’offres personnalisées, les employeurs doivent être attentifs à bien préciser les critères de départage en cas de candidatures multiples sur un même poste.

                                                                     ***

Le Cabinet Actance Avocats demeure naturellement à votre disposition afin de vous accompagner sur ces sujets et répondre à vos interrogations.

Chloé Bouchez
Avocate associée | +33 (0)144 94 96 00 | societe@actanceavocats.com |  + posts

Chloé BOUCHEZ a exercé 1 an au sein du cabinet Barthélémy & Associés et a participé à la création du cabinet Actance. Elle est titulaire du Master II en Droit social de l’Université Panthéon-Assas et du Certificat de spécialisation en droit du travail. Elle accompagne les groupes et entreprises de dimension nationale et internationale sur toutes les problématiques liées aux relations collectives et individuelles du travail, et anime régulièrement des formations. Elle est amenée à travailler en Français et en Anglais. Elle dispose également d’une forte expérience dans la gestion des pré-contentieux et des contentieux à risque.